Lorsqu’un locataire commercial est exproprié et qu’il souhaite se réinstaller, il peut solliciter devant le juge de l’expropriation dans le cadre de son éviction commerciale une indemnité accessoire couvrant les frais de sa réinstallation (coût d’acquisition de matériel, agencement du nouveau local d’activité …).
Dans un arrêt du 29 juin dernier (n°21-15.741), la Cour de cassation est venue mettre fin à une position jurisprudentielle qui consistait à appliquer un abattement pour vétusté sur le coût de réinstallation du locataire commercial exproprié pour tenir compte de l’état d’entretien du local exploité et de ses éléments d’aménagement.
La Cour rappelle clairement qu’ « aux termes de l’article L. 321-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation.
Les indemnités allouées doivent donc permettre à une société exploitant un fonds de commerce dans les locaux expropriés, qui souhaite se réinstaller afin de poursuivre son activité, d’être replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l’expropriation n’était pas intervenue.
Dès lors, la cour d’appel a refusé, à bon droit, d’appliquer à l’indemnité pour frais de réinstallation, allouée à la société GPS 3 Distribution, pour lui permettre de poursuivre son activité dans de nouveaux locaux, un abattement tenant compte de la vétusté des aménagements des locaux expropriés. »
Par conséquent, si l’exproprié produit un devis ventilant les différents postes de réinstallation du nouveau local, le juge de l’expropriation fera droit à sa demande d’indemnité sauf à considérer que le devis produit serait surévalué eu égard à la situation du locataire antérieurement à la procédure d’expropriation.
Cet arrêt rappelle également que le juge de l’expropriation ne peut pas rejeter une demande d’indemnité accessoire au seul motif que l’exproprié n’apporterait pas d’éléments justificatifs permettant d’établir le montant de l’indemnité :
« Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de réparer le dommage dont il a constaté l’existence en son principe, motif pris de l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
Pour refuser d’indemniser la perte de marchandise et stock, l’arrêt retient que l’exproprié n’apporte pas d’éléments justificatifs du montant de cette perte, de sorte qu’elle ne peut évaluer l’indemnité à un montant forfaitaire de 5 000 euros, aucune pièce comptable n’étant produite.
En refusant ainsi d’évaluer le dommage dont elle constatait l’existence en son principe, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Ainsi, si le juge de l’expropriation reconnait le principe de l’indemnité demandée, il lui appartiendra de fixer souverainement le montant de cette indemnité même en l’absence de pièces justificatives (devis, pièces comptables …). Toutefois, il est vivement recommandé de produire devant le juge de l’expropriation toute pièce permettant de chiffrer au plus près le montant des indemnités sollicitées pour que le locataire évincé puisse se réinstaller dans des conditions satisfaisantes.