Dans deux arrêts en date du 11 janvier 2023, la Cour de cassation est venue préciser les incidences de l’expropriation d’un logement indécent et de la présence d’un locataire occupant irrégulièrement le bien sur l’indemnité globale de dépossession du propriétaire exproprié.
Ces arrêts concernaient une opération de résorption de l’habitat insalubre par l’expropriation de chambres de service à Paris.
Dans la première espèce (Cass, 11 janvier 2023, n°21-23.792), l’expropriant contestait le fait que la Cour d’appel avait fait droit à la demande d’indemnité pour perte de revenus locatifs formulée par le propriétaire bailleur d’un logement ne répondant pas aux conditions de décences.
Cette indemnité accessoire est habituellement allouée au propriétaire exproprié d’un bien qu’il louait. Cette indemnité vient compenser l’abattement pour occupation appliqué sur la valeur vénale d’un bien loué et donc supporté par le propriétaire exproprié. Cette indemnité correspond à un montant équivalent à six mois voire une année de loyers.
Après avoir rappelé que le bailleur est obligé de délivrer au locataire un logement décent lorsqu’il s’agit de sa résidence principale, la Cour de cassation considère que la méconnaissance de cette obligation par le propriétaire bailleur lui empêche de « se prévaloir d’un droit juridiquement protégé dont la perte ouvrirait droit à un indemnisation ». Par conséquent, le bailleur ne pouvait prétendre à une indemnité pour perte de revenus locatifs.
Dans la deuxième espèce (Cass, 11 janvier 2023, n°21-23.791), le propriétaire exproprié de plusieurs logements reprochait à la Cour d’avoir appliqué un abattement pour occupation à hauteur de 20% identique à tous les lots de copropriété alors que l’un des lots était occupé par un locataire ayant fait l’objet d’une procédure d’expulsion par le propriétaire à la date de l’ordonnance de transfert de propriété.
Selon l’article L.322-1 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, la situation locative d’un bien exproprié s’apprécie en effet à la date de l’ordonnance d’expropriation portant transfert de propriété. Comme indiqué ci-dessus, la valeur vénale d’un bien exproprié loué se voit appliquer un abattement pour occupation résultant de la présence d’un locataire que l’expropriant devra également indemniser et reloger. Cet abattement oscille habituellement entre 20 et 30%.
La Cour de cassation censure l’arrêt en considérant que « l’abattement ne peut être le même selon que le bien est occupé en vertu d’un titre ouvrant droit à un relogement ou fait l’objet d’une occupation sans droit ni titre ne conférant pas un tel droit. »
Ainsi, il résulte de cet arrêt que, pour le lot occupé sans droit ni titre, l’abattement devait être inférieur à celui de 20% appliqué pour les autres lots occupés régulièrement. Il appartient désormais à la Cour d’appel saisie sur renvoi de déterminer l’abattement pour occupation pour le lot occupé irrégulièrement. A notre sens, en considérant que le locataire ne pouvait prétendre à aucun relogement, il pourrait être soutenu qu’il n’y a pas lieu d’appliquer un abattement pour occupation.